Social & Sociétal / Justice Sociale

Maroc : de la revendication pacifique au cauchemar social

La Génération Z marocaine aurait lancé un mouvement pacifique pour exiger des droits fondamentaux : santé, éducation et justice sociale. Mais face aux arrestations et aux violences présumées, la contestation aurait pris une tournure dramatique, marquée par des actes de vandalisme et un climat de tension croissant.

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Maroc : de la revendication pacifique au cauchemar social
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Des manifestations qui auraient basculé

Depuis quatre jours, des rassemblements menés par des jeunes, principalement issus de la Génération Z, se seraient multipliés dans différentes villes du Maroc. Dès leurs débuts, ces mobilisations auraient été marquées par un mot d’ordre répété à haute voix : « pacifique, pacifique, pacifique ». Les revendications initiales, claires et fondamentales, concernaient le droit à la santé, à l’éducation et à une justice sociale plus équitable.

Pourtant, au fil des jours, le ton aurait changé. Des témoignages font état d’arrestations massives, y compris de simples passants, ainsi que d’interpellations musclées. Bien que certains médias affirment qu’aucun décès ne serait survenu, des vidéos largement partagées en ligne montreraient deux jeunes qui auraient été gravement percutés par un véhicule de la sûreté nationale. Ces informations n’ont pas été confirmées officiellement et doivent donc être considérées avec prudence.

Dans la soirée de lundi, la situation aurait dégénéré : plusieurs médias évoquent des actes de vandalisme commis dans certaines villes, avec des commerces attaqués, des biens publics détruits et des affrontements sporadiques avec les forces de l’ordre.

Quand le pacifisme ne tient qu’à un fil

L’histoire des mouvements sociaux montre que le pacifisme d’une protestation ne dépend pas uniquement de la volonté des manifestants, mais aussi de la réponse des autorités. Être pacifique doit émaner des deux côtés.

  1. Lorsque les jeunes crient « pacifique », ils affirment leur intention de se mobiliser dans la dignité et le respect de l’espace public.
  2. Mais si la répression apparaît excessive (arrestations arbitraires, usage disproportionné de la force) la tension monte et la violence peut être perçue comme une riposte « légitime » par certains protestataires.

À cela s’ajoute la présence possible d’éléments extérieurs qui profitent de l’occasion pour vandaliser, comme cela se produit dans d’autres contextes (par exemple, certains débordements en marge de matchs de football). Le risque est alors que l’image d’un mouvement globalement pacifique soit éclipsée par des actes isolés mais spectaculaires.

Comparaisons internationales

Le Maroc n’est pas une exception. D’autres pays ont connu ce glissement :

  1. États-Unis (2020) : le mouvement Black Lives Matter a rassemblé des millions de personnes. Des études ont montré que 96 % des manifestations étaient pacifiques, mais ce sont les 4 % violentes qui ont occupé l’espace médiatique et marqué les esprits.
  2. France (2025) : le mouvement « Bloquons tout », lancé contre les inégalités sociales, a dégénéré en affrontements et destructions dans plusieurs villes.
  3. Tunisie (2011) : la révolution a débuté par des manifestations pacifiques contre l’injustice sociale. La répression brutale a été un catalyseur de la radicalisation, débouchant sur des affrontements généralisés.

Ces exemples montrent une constante : quand le pacifisme ne vient pas des deux côtés, le risque de basculement est élevé.

Les leçons des sciences sociales

Plusieurs recherches soulignent que l’usage disproportionné de la force par l’État est un facteur déclencheur majeur de la violence. Une étude comparant 65 mouvements à travers le monde conclut que les mouvements non violents obtiennent davantage de résultats durables que les mouvements violents.

Mais il existe aussi un paradoxe : plus la protestation est ignorée, plus elle dure, et plus elle risque de se radicaliser. Les frustrations accumulées deviennent un terreau fertile pour des réactions violentes, même chez des groupes initialement pacifistes.

Sortir de l’engrenage : quelles solutions durables ?

Pour éviter que des mobilisations citoyennes ne se transforment en cauchemar, plusieurs pistes sont mises en avant par les chercheurs et les observateurs internationaux :

  1. Reconnaissance et dialogue : ouvrir rapidement des canaux de concertation avec des représentants de la jeunesse, reconnaître la légitimité des revendications sociales.
  2. Maintien de l’ordre proportionné : privilégier les techniques de désescalade, protéger plutôt que réprimer, afin de maintenir la confiance.
  3. Ciblage précis des violences : distinguer les véritables actes de vandalisme des manifestations pacifiques, pour éviter les amalgames.
  4. Investissements structurels : répondre à la source des frustrations par des politiques publiques en matière de santé, d’éducation et de réduction des inégalités.

Les protestations de la Génération Z au Maroc sont nées d’un désir profond de dignité, d’égalité et de justice sociale. Mais ce mouvement, qui se voulait pacifique, aurait basculé dans la violence, avec des jeunes gravement percutés et des scènes de vandalisme.

La leçon est claire : le pacifisme peut durer que si elle est partagée par les deux côtés. Les jeunes doivent maintenir leur engagement citoyen non violent, mais l’État a la responsabilité de garantir un climat d’écoute et de protection des droits fondamentaux. Faute de quoi, le risque est grand de voir s’installer un cycle de répression et de violence dont la jeunesse ,et l’avenir du pays, seraient les premières victimes.


Notes de bas de page

  1. Reuters. (30 sept. 2025). Morocco’s youth protests turn violent on fourth day.
  2. AP News. (30 sept. 2025). A police van injures protester as anti-government youth demonstrations turn violent in Morocco.
  3. War Prevention Initiative. (2023). Why do some protests escalate to violence?
  4. UConn Today. (2020). Study of 2020 protests shows difference between reality and perception.
  5. Le Monde. (12 sept. 2025). Takeaways from France’s “Bloquons tout” protests.
  6. Beinin, J. & Vairel, F. (2013). Social Movements, Mobilization, and Contestation in the Middle East and North Africa. Stanford University Press.
  7. ASU Center for Public Safety. (2023). Why so many police are handling protests wrong.
  8. Chenoweth, E. & Stephan, M. (2020). Why Civil Resistance Works: The Strategic Logic of Nonviolent Conflict. Columbia University Press.


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