Ce septième volet du dossier poursuit l’analyse de contenu de l’interview télévisée du Chef du gouvernement du 10 septembre 2025, diffusée sur Al Aoula et 2M. Après avoir examiné les volets liés à l’éducation, au social, au football, à la cohésion politique, à la gestion de l’eau, à l’agriculture, à la protection sociale, à la santé, à l’inflation et à l’emploi, au Post-séisme « El Haouz » et soutien au cheptel, ce nouvel article se penche sur deux dossiers sensibles : la réforme des retraites et le dialogue social.
Deux thèmes qui cristallisent les attentes syndicales et citoyennes, et où la communication gouvernementale oscille entre affichage de sérieux, temporisation stratégique et annonces financières visibles.
Axe : Réforme des retraites
Ce qui est dit : Le Chef du gouvernement revendique l’ouverture d’un dialogue « sérieux » avec les syndicats, qu’il présente comme la condition sine qua non de toute avancée sur le dossier des retraites. Il rappelle que les difficultés actuelles trouvent leur origine dans la négligence de ses prédécesseurs, qui auraient laissé s’accumuler des problèmes structurels. Deux réunions ont déjà été tenues, et un troisième doit avoir lieu avec la ministre des Finances, chargée de piloter une commission appelée à définir l’architecture du futur système. L’argument de légitimation repose sur un diagnostic financier : sans mesures correctives, le paiement des pensions aurait été menacé dès 2028. Les récentes augmentations de cotisations permettraient toutefois de repousser l’échéance à 2031, ce qui, selon lui, correspond à un temps gagné. Mais cette temporisation ne serait pas une manœuvre solitaire : le Chef du gouvernement insiste sur sa volonté de ne pas avancer sans accord syndical, estimant que la persuasion doit être mutuelle. Les partenaires de la majorité se disent globalement alignés sur cette stratégie, tout en posant comme préalable la conclusion d’un compromis social.
Ce qui manque: Si le discours du Chef du gouvernement insiste sur l’ouverture du dialogue et sur le temps gagné grâce aux récentes mesures, il demeure marqué par de nombreuses zones d’ombre. L’impact concret de la réforme sur les générations futures reste flou : rien n’est précisé quant au niveau des pensions, à l’âge légal de départ ou encore à l’effort attendu des jeunes actifs. De même, l’absence d’un calendrier clair rend la temporalisation incertaine : l’argument du « temps disponible » peut tout autant traduire un report technique qu’une stratégie de calcul électoral. À cela s’ajoute un risque implicite, rarement formulé qui est celui de voir, en 2031, la question se poser à nouveau, sans que des solutions structurelles aient été réellement mises en œuvre. Enfin, les « solutions innovantes » évoquées restent dans le registre de l’annonce : ni mécanismes financiers, ni compromis concrets ne sont présentés, laissant planer le doute sur la réalité des pistes envisagées.
Analyse de contenu : Le discours repose sur une stratégie de temporisation : insister sur le temps gagné et sur l’ouverture au dialogue. Cette rhétorique vise à montrer une écoute des partenaires sociaux, mais elle peut être perçue comme une esquive d’un dossier explosif à l’approche électorale.
En insistant sur la responsabilité des gouvernements précédents et sur la nécessité d’un consensus syndical, le Chef du gouvernement dilue la responsabilité politique et évite d’endosser seul un choix impopulaire. Cette posture renvoie davantage à une gestion de l’agenda électoral qu’à une résolution structurelle du problème.
Axe : Dialogue social, salaires et loi sur la grève
Ce qui est dit : Le Chef du gouvernement présente le dialogue social comme « sérieux », tout en reconnaissant que du point de vue des syndicats, l’effort consenti reste encore « insuffisant ». Pour appuyer son propos, il cite plusieurs mesures salariales déjà actées : une augmentation de 5 % pour les retraités, la résolution du dossier sensible des 150 000 contractuels de l’éducation, ainsi qu’une revalorisation générale de 1 000 dirhams pour l’ensemble des fonctionnaires. Des ajustements plus ciblés sont également annoncés : entre 1 500 et 2 000 dirhams supplémentaires pour les enseignants du primaire et du secondaire, et, en fin de carrière, des revalorisations pouvant atteindre 5 000 dirhams pour les médecins, 3 900 pour les enseignants-chercheurs de premier grade et 3 000 pour ceux du second grade.
Le gouvernement met aussi en avant une avancée jugée historique : l’adoption d’une loi sur la grève, attendue depuis soixante-dix ans. Le précédent projet, resté bloqué pendant dix ans au Parlement, a été remplacé par un nouveau texte. Celui-ci, selon l’exécutif, résulte d’une écoute des syndicats et de compromis partiels. Présenté comme positif, il vise à encadrer l’exercice du droit de grève dans le public comme dans le privé, à l’échelle des secteurs et des établissements, tout en consolidant le rôle des organisations syndicales.
Ce qui manque : Si les annonces salariales sont mises en avant comme un signe de bonne volonté, leur effet réel sur le pouvoir d’achat reste incertain dans un contexte d’inflation persistante. Le discours gouvernemental ne précise pas non plus si ces revalorisations s’inscrivent dans une stratégie durable, adossée à des recettes fiscales pérennes, ou si elles relèvent d’un effort budgétaire conjoncturel, difficilement soutenable à long terme. De même, la présentation de la nouvelle loi sur la grève comme un texte « consensuel » occulte les zones de friction, aucun détail n’est donné sur les points encore en débat ni sur les réactions effectives des syndicats. Enfin, les risques liés à un encadrement trop strict des mobilisations, qu’il s’agisse de restrictions sectorielles ou de conditions procédurales, ne sont pas abordés, alors même qu’ils pourraient profondément redéfinir le rapport de force social.
Analyse de contenu : Le registre est celui de la générosité salariale et de la réparation historique « nous avons corrigé ce qui aurait dû l’être plus tôt ». Ce cadrage met en avant l’effort budgétaire de l’État, mais occulte la soutenabilité économique et le différentiel entre annonces et vécu du terrain.
Concernant la loi sur la grève, la communication insiste sur la rupture historique « 70 ans » et sur l’écoute des syndicats, mais évite de nommer les zones de friction. Le discours construit une image de gouvernement à la fois ferme et ouvert, mais l’opacité des compromis laisse planer un doute sur la perception qu’en auront les travailleurs.
À retenir (7/8)
Dans ce septième article, l’analyse de contenu révèle une double logique :
- Temporisation sur la réforme des retraites, présentée comme inévitable mais repoussée à plus tard, en invoquant le dialogue social comme condition préalable.
- Valorisation de concessions salariales et d’un texte présenté comme « historique » sur la grève, avec un cadrage très positif mais sans reconnaissance des zones de désaccord.
À suivre (8/8) : deux nouveaux thèmes, avec la même grille de lecture (fidélité du résumé, profondeur analytique, prudence méthodologique).
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