Deux ans de guerre à Gaza : la paix comme seule issue durable

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Deux ans après l’attaque du 7 octobre 2023, Gaza et Israël peinent à se relever d’une guerre qui a tout détruit : vies, infrastructures, confiance et futur commun. Chiffres à l’appui, un constat s’impose : ni l’occupé ni l’occupant n’ont gagné. La seule voie durable reste celle de la paix, de la justice et de la reconstruction.

Deux ans de guerre à Gaza : la paix comme seule issue durable
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1. Une tragédie humaine sans précédent

Deux ans après le déclenchement du conflit, les chiffres donnent le vertige. Selon l’ONU et l’OCHA, plus de 67 000 Palestiniens ont été tués à Gaza, près de 170 000 blessés, et l’ensemble de la population (soit environ 2,1 millions d’habitants) a été déplacée au moins une fois. Parmi les victimes, plus de 50 000 enfants figurent parmi les morts ou les blessés.

En Israël, environ 1 665 personnes ont perdu la vie, dont 466 soldats, selon les données compilées par Reuters et les autorités israéliennes. Près d’une cinquantaine d’otages demeurent encore portés disparus, dont une vingtaine présumés vivants.

Pour les journalistes, les soignants et les humanitaires, le bilan est tout aussi dramatique : au moins 270 journalistes, 1 700 soignants et plusieurs centaines de volontaires de l’aide humanitaire ont été tués depuis 2023, selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et l’ONU. La guerre a ainsi anéanti les relais essentiels du savoir, de la santé et de la solidarité.

2. Gaza : un territoire dévasté

Les images satellites de l’ONU et de la Banque mondiale confirment que près de 78 % des infrastructures de Gaza ont été endommagées ou détruites : 190 000 bâtiments, 92 % des logements et 86 % des terres cultivées ont été touchés. Quatorze hôpitaux sur trente-six fonctionnent encore, mais seulement de façon partielle. Les écoles ont subi un sort tout aussi tragique : plus de 2 300 établissements éducatifs ont été détruits ou gravement endommagés, privant près de 650 000 enfants d’accès à l’éducation.

Le coût total de la reconstruction est estimé à 53 milliards de dollars, soit l’équivalent de 25 fois le PIB annuel de Gaza.

L’économie locale est à l’arrêt : le PIB a chuté de 83 % en 2024, et près de la moitié des emplois ont disparu. La population survit sous perfusion d’aide humanitaire, dans un contexte de famine avérée dans le nord de la bande.

La guerre a détruit bien plus que des murs, elle a pulvérisé les fondations d’une société, sa santé, son éducation et son espoir collectif.

3. Israël : le coût caché de la guerre

En Israël, le choc économique a été brutal. Le PIB s’est contracté de 20,7 % au quatrième trimestre 2023, et la croissance reste atone depuis, autour de +0,9 % en 2024. Les pertes budgétaires sont considérables : déficit public de 6,9 % du PIB en 2024, note souveraine dégradée à Baa1 par Moody’s, et ralentissement de la production industrielle de –0,8 %. Le secteur de la construction est particulièrement affecté : l’interdiction des permis de travail pour les ouvriers palestiniens a paralysé les chantiers, retardé des projets et entraîné une pénurie durable de main-d’œuvre. Les secteurs du tourisme et de l’agriculture enregistrent eux aussi des pertes importantes : le tourisme international, effondré fin 2023, a connu une reprise partielle avant de rechuter à l’été 2025 ; les pertes agricoles dans le nord du pays sont estimées à plus de 100 millions de dollars.

Les effets psychologiques sont massifs : stress post-traumatique chez les civils, familles déplacées, fermetures d’écoles et polarisation politique accentuée. Environ une soixantaine d’établissements scolaires ont dû fermer temporairement dans les régions frontalières.

Au-delà des chiffres, la guerre a révélé la fragilité d’un modèle de sécurité fondé sur la force militaire, au détriment de la cohésion sociale.

4. Une faillite du développement durable

La guerre à Gaza illustre la négation même du développement durable. Les trois piliers sur lesquels il repose (économie, société, environnement) ont été simultanément détruits, sans qu’aucun camp n’en tire bénéfice.

4-1- Une économie exsangue

La guerre a figé toute dynamique économique : entreprises fermées, chômage de masse, absence d’investissement, dépendance totale à l’aide internationale.

À Gaza, le PIB a chuté de plus de 80 %, et près de la moitié des emplois ont disparu.

En Israël, la machine économique s’est ralentie : croissance quasi nulle, déficit record et budgets sociaux réduits au profit de la défense.

Dans les deux cas, la guerre détourne les ressources publiques de la transition écologique et sociale vers l’armement et la survie immédiate.

4-2- Une fracture sociale et psychologique

Le tissu social est brisé : familles déplacées, orphelins, blessés, exilés. À Gaza, 2,1 millions de personnes ont dû fuir plusieurs fois, vivant dans des abris surpeuplés et sans accès à l’eau potable.

En Israël, la société se fragmente sous le poids du deuil, de la peur et de la polarisation politique. L’éducation est interrompue, la jeunesse désorientée, les inégalités creusées. Le capital humain, socle du développement durable, est profondément entamé.

4-3- Un désastre environnemental

Les bombardements ont laissé plus de 60 millions de tonnes de débris toxiques, polluant sols, air et nappes phréatiques. Les terres agricoles sont rendues stériles, la mer contaminée par les eaux usées, et les infrastructures énergétiques détruites. Les experts du PNUE parlent d’un écocide dont les effets se mesureront sur plusieurs générations.

Même Israël subit des conséquences écologiques : incendies, pollution atmosphérique, pression sur les ressources en eau et en énergie.

4-4- Une gouvernance en crise

Les institutions locales sont à bout de souffle, incapables d’assurer leurs fonctions. La communauté internationale, divisée et impuissante, ne parvient pas à imposer le droit humanitaire. Or, sans gouvernance solide, il ne peut y avoir ni durabilité ni reconstruction équitable.

Cette guerre démontre que l’absence de paix équivaut à l’effondrement du développement durable, elle détruit l’économie, désagrège les sociétés et dévaste la planète.

5. Responsabilité et durabilité : un impératif collectif

Dans la grille du développement durable, les trois piliers (économique, social et environnemental) sont effondrés. Aucune croissance n’est possible sans sécurité ; aucune paix n’est viable sans justice ; aucun progrès n’est durable sans droits humains. Cette guerre rappelle l’urgence d’une RSE géopolitique :

  1. Des États responsables, intégrant les impacts humains et écologiques dans leurs décisions ;
  2. Des entreprises responsables, attentives aux chaînes d’approvisionnement militaires et aux reconstructions futures ;
  3. Des médias responsables, capables d’informer sans attiser la haine.

La paix, dans cette perspective, n’est pas une simple absence de guerre, elle devient un objectif de développement durable, au même titre que la santé, l’éducation ou le climat.

Deux ans de guerre ont suffi à anéantir vingt ans de développement. Mais si tout a été détruit, tout reste à repenser : gouvernance, modèle économique, éducation à la paix et respect de la vie. Car au bout du compte, ni la force ni la vengeance n’ont produit de sécurité durable. La seule issue qui porte en elle la promesse d’avenir, c’est la paix sociale, écologique et humaine.

C’est là le fondement même du développement durable : réparer le monde, plutôt que le dominer.


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