Environnement

Trois vagues de chaleur depuis juillet : le Maroc au cœur du défi climatique

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**En moins de deux mois, le Maroc a connu trois épisodes de canicule, avec des températures frôlant les 48 °C. Un rythme inédit, selon la Direction Générale de la Météorologie, qui illustre l’accélération du réchauffement climatique et ses effets en cascade sur l’environnement, la santé et la résilience urbaine.** **Des alertes de plus en plus fréquentes** Depuis la mi-juillet, le Maroc a été frappé par trois vagues de chaleur successives, parfois rapprochées et se chevauchant. Selon la Direction Générale de la Météorologie (DGM), un premier épisode a débuté autour du 15 juillet et s’est prolongé jusqu’au 19 juillet, suivi d’un deuxième dès la fin de ce premier, puis d’un troisième entre le 8 et le 12 août. Lors de ces épisodes, les températures ont culminé à 48 °C dans certaines régions. A titre de comparaison, en 2023, la principale canicule s’était concentrée en août (record national : 50,4 °C à Agadir), et en 2024, le pic avait eu lieu fin juillet, avec des températures autour de 45–48 °C. Jamais, sur les trois dernières années, le Maroc n’avait enregistré un enchaînement aussi rapproché d’alertes canicule. **Le réchauffement climatique en arrière-plan** L’organisation Météorologique Mondiale (OMM) souligne que les vagues de chaleur sont devenues au moins 100 fois plus probables dans certaines régions méditerranéennes à cause du réchauffement climatique. Selon le Groupe de travail I du GIEC, qui évalue les bases physiques du changement climatique, la fréquence et l’intensité des vagues de chaleur dans les régions méditerranéennes y compris au Maroc augmentent nettement sous l’effet du réchauffement planétaire. Ces deux sources montrent que la situation vécue cette année s’inscrit dans une tendance globale clairement documentée. **Impacts multiples de la canicule** **Impacts environnementaux : une pression multiple et croissante** Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), les vagues de chaleur prolongées dans les régions méditerranéennes, comme celles observées cet été au Maroc, accentuent plusieurs pressions simultanées sur les écosystèmes. D’après le Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP) et la FAO, la chaleur et la sécheresse augmentent significativement le risque et la durée des feux de forêt, avec des saisons plus longues et plus intenses observées dans le bassin méditerranéen par le système européen d’information sur les feux de forêt (EFFIS). Ces incendies détruisent la couverture végétale, fragilisent les sols et réduisent leur capacité de rétention d’eau. Les canicules accélèrent aussi l’évaporation dans les barrages et les lacs, tout en aggravant la baisse des nappes phréatiques. Selon le Groupe de travail II du GIEC (AR6), ces pertes hydriques réduisent la disponibilité en eau pour l’irrigation, l’industrie et l’eau potable, tout en perturbant les cycles biologiques, par exemple, en altérant la qualité de l’eau et en provoquant la baisse de l’oxygène dissous. L’échauffement des plans d’eau favorise également la prolifération d’algues toxiques, comme l’ont confirmé les rapports de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2023. D’après la FAO, la chaleur extrême accélère la perte de fertilité des sols en dégradant la matière organique et en augmentant l’érosion éolienne, surtout dans les zones arides. Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), elle exerce un stress thermique sur la faune sauvage, entraînant une hausse de mortalité chez certaines espèces et perturbant les cycles de reproduction ou de migration. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) note aussi un risque accru de propagation de ravageurs et de maladies végétales, ainsi qu’une modification de la composition des espèces végétales, avec la disparition locale d’espèces sensibles à la chaleur. En ville, l’îlot de chaleur urbain amplifie la surchauffe des bâtiments et l’échauffement des eaux de ruissellement, avec un impact sur la biodiversité aquatique urbaine. Selon le GIEC et l’OMM, les infrastructures subissent également des dégradations physiques (dilatations, fissures, pannes) lors d’épisodes extrêmes, compromettant la sécurité et la résilience des territoires. **Impacts sociaux et sociétaux : les plus vulnérables en première ligne** Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les vagues de chaleur intenses augmentent la mortalité et la morbidité, en particulier chez les personnes âgées, les enfants en bas âge, les personnes souffrant de maladies chroniques et celles vivant dans des logements mal isolés. D’après le GIEC (AR6, Groupe de travail II), la chaleur extrême réduit aussi la productivité physique, ce qui affecte directement les travailleurs en extérieur (ouvriers agricoles, travailleurs du BTP, agents de voirie) exposés à un risque accru de coups de chaleur, de déshydratation et de troubles cardiovasculaires. Les canicules ont également un impact psychologique. Selon l’OMS et le PNUE, la chaleur prolongée augmente les niveaux de stress, de fatigue, d’irritabilité et peut aggraver certaines pathologies mentales. Dans les zones rurales, d’après la FAO, les pertes de récoltes et la réduction des ressources en eau fragilisent la sécurité alimentaire et accroissent la précarité, ce qui peut pousser à l’exode rural. Sur le plan sociétal, le Bureau international du Travail (BIT) souligne que les épisodes extrêmes perturbent l’organisation du travail et peuvent accentuer les inégalités : les ménages les plus modestes, souvent dépourvus de climatisation ou d’isolation efficace, sont les plus exposés aux risques sanitaires. D’après l’OMM et ONU-Habitat, les canicules mettent aussi à l’épreuve les infrastructures urbaines : surcharges des réseaux électriques, coupures d’eau, saturation des services de santé et difficultés de mobilité liées à la surchauffe des transports publics. Enfin, selon le GIEC et l’UICN, la récurrence des vagues de chaleur fragilise la cohésion sociale dans certaines zones, en créant des tensions sur l’accès à l’eau, en exacerbant les conflits d’usage et en accentuant la vulnérabilité des territoires déjà fragiles face aux effets du changement climatique. **Impératif développement durable et RSE : anticiper, protéger, adapter** Face à l’intensification des vagues de chaleur, le Maroc doit passer d’une logique de réaction à une véritable stratégie d’anticipation et de prévention, intégrant les impératifs environnementaux, sociaux et économiques. L’objectif est de protéger les populations, d’adapter les territoires et de mobiliser l’ensemble des acteurs (publics, privés et communautaires). La première étape passe par un plan canicule intégrée qui dépasse la simple diffusion de bulletins d’alerte. Il s’agit de déployer des mesures concrètes comme la création de centres de fraîcheur accessibles, campagnes de communication ciblées vers les publics à risque, adaptation des horaires de travail pour éviter les périodes les plus chaudes, notamment dans les métiers physiques. L’urbanisme résilient constitue un second pilier. Cela implique la végétalisation prioritaire des espaces urbains, en commençant par les quartiers défavorisés, l’utilisation de matériaux dits « cool », comme les peintures claires, les toitures réfléchissantes ou les pavés à haut albédo pour limiter la surchauffe, et le renforcement de l’isolation thermique des bâtiments. Ces choix réduisent les températures en ville et la consommation énergétique liée à la climatisation. En complément, la régulation du bâti doit évoluer. Les normes de construction devraient intégrer la résistance aux stress thermiques, via des façades et toitures adaptées ainsi qu’une ventilation naturelle optimisée. Des audits de vulnérabilité urbaine permettraient d’identifier les zones et bâtiments les plus exposés, afin de cibler efficacement les investissements. Sur le plan social, une protection renforcée des travailleurs et des populations vulnérables est essentielle. Cela implique de sensibiliser les entreprises aux risques thermiques, de garantir la mise à disposition d’eau potable et d’espaces ombragés ou climatisés, et de proposer un accompagnement psychologique pour les personnes fragilisées par la chaleur prolongée. Enfin, la gouvernance communautaire peut devenir un levier puissant. Le soutien aux initiatives locales, comme les réseaux de veille, l'entraide entre voisins, les programmes associatifs de sensibilisation et l’orientation des politiques RSE des entreprises vers la protection des habitants renforcent la résilience collective face aux épisodes extrêmes. Selon l’OMM, l’intensification des canicules en 2025 n’est plus un hasard climatique, mais bien le reflet d’un monde qui surchauffe. Les impacts environnementaux, humains, urbains et psychologiques s’entremêlent et frappent plus lourdement les plus vulnérables. Pour être durable, la réponse doit être collective, inclusive et multidimensionnelle : adaptation urbaine, protection sociale et responsabilité économique sont les clés d’une résilience solide face à un avenir incertain, tout en préservant le capital naturel et humain du pays. **Sources utilisées** • Direction Générale de la Météorologie (DGM), Maroc — bulletins officiels d’alerte et données climatiques 2023-2025. • Organisation météorologique mondiale (OMM) — rapports sur l’attribution des vagues de chaleur et leur intensification en Méditerranée (wmo.int). • GIEC (Groupe de travail I & II, AR6) — impacts physiques du changement climatique et vulnérabilité des régions méditerranéennes (ipcc.ch). • Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP) — impacts environnementaux des vagues de chaleur et sécheresse (unep.org). • FAO — effets de la chaleur sur la sécurité alimentaire, les sols et les écosystèmes agricoles (fao.org). • Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) — stress thermique sur la faune et flore (iucn.org). • Organisation mondiale de la santé (OMS) — santé publique, mortalité et maladies liées à la chaleur (who.int). • Bureau International du Travail (BIT / OIT) — risques professionnels et conditions de travail en période de chaleur extrême (ilo.org).

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