Environnement

Eau polluée à Oujda : la science alerte, l’entreprise de distribution rassure

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**L’essentiel** Publié le 21 juillet 2025 dans la revue internationale Scientific Reports, un travail conjoint de chercheurs marocains et étrangers révèle une contamination inquiétante des eaux souterraines de la plaine d’Angad, principale source d’approvisionnement de la ville d’Oujda. D’après cette étude, près de 50 % des 45 puits analysés dépassent les seuils de nitrates et de sels fixés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et la majorité présente des traces de contamination bactériologique par coliformes fécaux. Selon les auteurs, cette pollution pose un risque sanitaire direct, notamment pour des maladies hydriques graves comme le choléra et la fièvre typhoïde. La Régie autonome de distribution d’eau et d’électricité d’Oujda (RADEEO) assure que l’eau distribuée est « conforme aux normes nationales et internationales » et reste « propre à la consommation ». **Les alertes scientifiques** L’article de Scientific Reports repose sur une campagne d’échantillonnage dans 45 points de captage. Les analyses ont révélé : • Des teneurs en nitrates supérieures à 50 mg/L dans près de la moitié des puits. • Une salinité élevée pouvant poser problème aux personnes souffrant d’hypertension. • La présence de coliformes fécaux et d’Escherichia coli dans la majorité des échantillons. Selon les chercheurs, ces résultats sont liés à l’agriculture intensive (engrais azotés), au manque d’assainissement collectif dans certaines zones, et à la vulnérabilité naturelle des aquifères aux infiltrations polluantes. **Conséquences sur la santé humaine et l’environnement** Sur le plan sanitaire, l’étude publiée dans Scientific Reports alerte sur le fait que la contamination microbiologique observée pourrait favoriser la propagation de maladies hydriques telles que le choléra et la fièvre typhoïde. Transmises par l’ingestion d’eau ou d’aliments souillés, ces pathologies peuvent entraîner de violentes diarrhées, une déshydratation sévère et, dans les cas les plus graves, être mortelles en l’absence de traitement rapide (OMS, 2023). À ces risques microbiologiques s’ajoute une menace chimique, des concentrations élevées en nitrates sont susceptibles de provoquer la méthémoglobinémie ou « syndrome du bébé bleu » chez les nourrissons, réduisant la capacité du sang à transporter l’oxygène. L’impact environnemental est tout aussi préoccupant : • Un excès de nitrates favorise l’eutrophisation des plans d’eau et l’asphyxie de la faune aquatique (Revue des Sciences de l’Eau, 2020). • L’infiltration de polluants issus de zones agricoles ou de décharges provoque une dégradation chimique des sols et une perte de fertilité à long terme (Université Mohammed Ier, Oujda). • Une contamination chronique de la nappe phréatique fragilise les écosystèmes, perturbant les chaînes alimentaires et la biodiversité locale. **La réponse de la RADEEO** Dans un communiqué, la RADEEO affirme que les analyses menées chaque jour par son laboratoire interne garantissent la conformité de l’eau distribuée. Elle met en avant plusieurs investissements : • Station de déminéralisation d’Oued Nachef (46,5 MDH) – osmose inverse pour réduire la salinité. • Station d’épuration (STEP) de 53 ha, réduction de 90 % de la pollution avec une consommation énergétique divisée par deux, desservant 530 000 habitants (extension prévue à 840 000 d’ici 2030). Ces projets s’inscrivent dans le Programme national pour l’eau potable et l’irrigation (PNAEPI), qui prévoit le renouvellement des conduites vétustes et l’amélioration du rendement du réseau. **Gouvernance et cadre réglementaire** Le Conseil du bassin hydraulique de la Moulouya, placé sous la présidence du Wali de l’Oriental, conduit une stratégie de gestion intégrée des ressources en eau visant à sécuriser les zones de captage, à renforcer le contrôle des rejets agricoles et domestiques, et à diversifier les sources d’approvisionnement grâce à de nouveaux barrages et unités de traitement. Si la loi marocaine impose un respect strict des normes de potabilité fixées par l’OMS et le ministère de la Santé, plusieurs ONG locales estiment toutefois que le contrôle indépendant demeure insuffisant. **Enjeux RSE et durabilité** Les enjeux en matière de responsabilité sociétale des entreprises et de développement durable sont multiples. Ils passent d’abord par la garantie d’un accès universel à une eau potable sûre, condition essentielle à la santé publique. Ils impliquent aussi une transparence accrue, avec la publication régulière des analyses et un dialogue ouvert avec les parties prenantes notamment avec les citoyens et la communauté scientifique. Enfin, ils nécessitent des investissements durables, donnant la priorité aux infrastructures résilientes et aux mesures préventives. Or, selon la Banque mondiale (2024), le Maroc ne traite qu’environ 20 % des eaux usées collectées au niveau national, un déficit particulièrement préoccupant pour une région semi-aride comme l’Oriental. L’affaire de l’eau polluée à Oujda illustre la nécessité de concilier sécurité sanitaire, gouvernance participative et résilience climatique. Entre les alertes scientifiques et les assurances de l’opérateur, une vérité s’impose : seule une combinaison de données transparentes, de contrôles indépendants et d’investissements durables permettra de restaurer la confiance des habitants et de préserver une ressource vitale.

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